Obtenezle livre Eloge de l'oisiveté de Bertrand RUSSELL au format PDF sur E.Leclerc.
L’éloge de l’oisiveté condamne l’excès de travail. Bertrand Russell défend dans son Éloge de l’oisiveté une limitation du temps de travail afin de partager celui-ci et de généraliser le loisir. Il prédit que, grâce à cette révolution, le bonheur remplacera la fatigue et que les hommes deviendront plus bienveillants les uns à l’égard des autres, au point de rendre la guerre inutile. Le droit à la paresse selon Paul Lafargue L’éloge de l’oisiveté est d’abord une critique de l’idéologie du travail. Bertrand Russell distingue cependant le travail désagréable et mal payé consistant à déplacer de la matière de celui consistant à commander à quelqu’un de le faire. À part le propriétaire foncier dont la rente lui permettait d’être oisif grâce au travail des autres, aucune classe ne pouvait s’offrir le luxe de l’oisiveté jusqu’à la révolution industrielle, car il était difficile de produire un excédent. Or, les machines ont changé la donne. Le culte du travail est donc une mentalité préindustrielle qui perdure alors qu’elle n’est plus adaptée au monde moderne. La technique moderne, écrit Bertrand Russell, a permis au loisir, jusqu’à un certain point, de cesser d’être la prérogative des classes privilégiées minoritaires pour devenir un droit également réparti dans l’ensemble de la collectivité. La morale du travail est une morale d’esclave, et le monde moderne n’a nul besoin de l’esclavage » Éloge de l’oisiveté. Dans le monde préindustriel, les guerriers, les prêtres et l’État ont d’abord forcé les paysans à travailler pour leur accaparer le surplus ; puis l’éthique du travail a rendu la contrainte inutile. Même s’il admet que l’oisiveté de l’élite a apporté une contribution importante à la civilisation, Bertrand Russell considère que le devoir de travailler est une ruse idéologique pour soumettre la majorité aux puissants. La prospérité du vice selon Daniel Cohen L’éloge de l’oisiveté de Bertrand Russell la présente comme une nécessité économique et sociale L’éloge de l’oisiveté en révèle l’intérêt économique. Bertrand Russell prend l’exemple de la Première Guerre mondiale alors que, grâce aux machines, seule une partie de la population a été nécessaire pour l’effort de guerre et subvenir en même temps aux besoins de la population, la morale du travail a conduit à remettre tout le monde au travail une fois la guerre terminée. La surproduction qui en découle suscite une crise, laquelle condamne toute une partie des travailleurs à l’oisiveté et à la misère, tandis que l’autre se surmène et n’a pas de loisir. C’est que les riches oisifs refusent toute forme d’oisiveté aux pauvres sous prétexte qu’ils la consommeraient forcément dans le vice. Pour Bertrand Russell, le travail se justifie sur le plan économique seulement dans la mesure où l’individu doit produire au moins autant que ce qu’il consomme. Chaque être humain consomme nécessairement au cours de son existence une certaine part de ce qui est produit par le travail humain. Si l’on suppose, comme il est légitime, que le travail est dans l’ensemble désagréable, il est injuste qu’un individu consomme davantage qu’il ne produit » Éloge de l’oisiveté. Au plan moral, cependant, les aristocrates se réservent l’oisiveté, quand les ploutocrates ne l’accordent qu’aux femmes. Insensible à ces préjugés, Bertrand Russell imagine que quatre heures quotidiennes de travail salarié organisées rationnellement seraient suffisantes pour subvenir aux besoins de toute la société. Le capitalisme selon Marx L’éloge de l’oisiveté en révèle l’intérêt social. Bertrand Russell affirme que l’individu a besoin du loisir pour accéder aux meilleures choses de la vie, ce que les travailleurs reconnaissent eux-mêmes. La pénibilité du travail n’est pas une fin en soi, elle n’est que le moyen de sa propre suppression, c’est-à-dire d’une existence plus heureuse. Plutôt que d’étendre le travail manuel à l’ensemble de la population comme en URSS, il faudrait donc, sitôt couverts les besoins essentiels, réduire progressivement le temps de travail de manière démocratique, par exemple en laissant le peuple choisir par référendum entre l’augmentation du loisir et celle de la production. Pour Bertrand Russell, c’est le divorce entre les fins individuelles et les fins sociales de la production qui entretient la confusion. De façon générale, explique-t-il, on estime que gagner de l’argent, c’est bien, mais que le dépenser, c’est mal. Quelle absurdité, si l’on songe qu’il y a toujours deux parties dans une transaction autant soutenir que les clés, c’est bien, mais les trous de serrure, non » Éloge de l’oisiveté. Étant donné les idées fausses, l’éducation est particulièrement importante pour réduire le temps de travail. Bertrand Russell appelle de ses vœux la démocratisation de la curiosité intellectuelle et scientifique, afin de libérer les citoyens des loisirs passifs football, cinéma, radio, etc. qui les attirent quand toute leur énergie est dépensée au travail. En effet, les produits de la civilisation sont dus à la classe oisive. Les bullshit jobs selon David Graeber
travaillebeaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu’il importe à présent de faire valoir dans les pays industrialisés un point de vue qui diffère radicalement des préceptes tra-ditionnels. Tout le monde connaît l’histoire du voyageur qui, à Naples, vit douze mendiants
Skip to content Faire un don Newsletter Contact Accueil Qui sommes nous ? MetisLe Comité de rédactionLes partenairesThématiques Vie au travailTravail et sociétéLe travail de demainManagement et entrepriseDialogue socialFormation/EducationRSEPolitique de l’emploiComparaisons européennesRubriques EditosAnalysesEntretiensReportagesChroniquesCinémaBibliothèquePortraits et parcoursPoints de vue Petite histoire d’une grande idée la filiation idéologique du revenu universel Par Eva Quéméré2019-06-17T173732+020025 septembre 2016Mots-clés AIRE, Bertrand Russel, BIEN, enclosures, Eva Quéméré, histoire, Icarie, Karl Marx, MFRB, Milton Friedman, paresse, philosophie, Poor Laws, revenu universel, Thomas More, Thomas Paine, Utopie 14 minutes de lectureLe revenu universel est discuté depuis des dizaines, voire des centaines d’années et, depuis la crise, revient en tête de gondole. Revenu universel, de base, inconditionnel, minimum, garanti, citoyen… Il emprunte différents noms, de nombreuses définitions se posent et s’opposent, il représente des philosophies aussi variées qu’antagonistes. On lui appose une orientation libérale, socialiste, post-travailliste. On vante la simplification du millefeuille des prestations sociales, on fait l’éloge de l’oisiveté. … Mais de quoi parle-t-on ? Pour répondre à cette question – si tant est que ce soit possible – nous allons faire un voyage dans le temps et rencontrer ceux qui ont bâti l’idée – dans sa diversité et ses contradictions – et les autres qui les ont inspirés. D’une filiation idéologique complexe, l’idée d’un revenu universel » versé à tous les habitants d’un État ou d’un territoire est, en effet, apparue à maintes reprises sous la plume de nombreux économistes, écrivains, philosophes et hommes politiques au fil des siècles. Beaucoup estiment que l’idée du revenu universel trouve son origine en 1516, sous la plume de Thomas More, alors qu’il écrivait Utopia. Dans ce lieu qui est nulle part », l’ile d’Utopia, l’existence de tous les membres de la société doit être assurée afin que personne ne se trouve dans la nécessité de voler, et donc de subir le dernier supplice. Au lieu d’infliger ces terribles punitions, il serait bien plus efficace de fournir à chacun les moyens de subsistance nécessaires, de sorte que personne ne soit plus dans l’affreuse nécessité de devenir, d’abord un voleur, puis un cadavre. » Ainsi, la stricte égalité entre les citoyens est légion, les moyens de production sont propriété collective, le système de péréquation entre les villes et la juste répartition des richesses de l’État sont les piliers de la satisfaction de l’intérêt général. Il n’y a pas d’argent, pas de luxe, pas de superflu. Le temps libre est consacré aux loisirs, les maisons sont prêtées pour 10 ans, chacun se vêt de la même manière. Chaque père de famille vient chercher tout ce dont il a besoin et l’emporte sans paiement, sans compensation d’aucune sorte. Pourquoi refuser quelque chose à quelqu’un puisque tout existe en abondance et que personne ne craint que le voisin demande plus qu’il ne lui en faut ? Car pourquoi réclamer trop, alors qu’on sait que rien ne sera refusé ? Ce qui rend avide et rapace, c’est la terreur de manquer. » Mais cet idéal exige encore une contrepartie hommes et femmes, tous ceux qui en sont capables, doivent travailler, certes peu, mais travailler quand même. Canonisé en 1935, le nouveau nommé Saint Thomas More écrit cette satire de l’Angleterre alors que le premier mouvement des enclosures fait des ravages parmi les familles paysannes – abandonnées sans moyens de subsistance – auparavant nourries par le système féodal des tenures. Philosophe, juriste, théologien, humaniste et homme politique anglais, cet homme qui mourra sous l’échafaud d’Henri VIII alors qu’il en fut son chancelier est l’un des inspirateurs des Poor Laws instaurées en Angleterre pendant plus de quatre siècles, l’un des bâtisseurs de la pensée humaniste et a posteriori du revenu universel. Deux siècles plus tard, en 1840, s’inspirant d’Utopia, Etienne Cabet renouvèlera ce rêve avec Voyage En Icarie. Autre société idéale, cette nouvelle contrée se base elle aussi sur la stricte égalité entre ses membres, les inégalités étant mère de tous les maux. L’inégalité de fortune, la propriété et la monnaie, enfantent les privilèges et l’aristocratie, puis l’opulence et la misère, puis la mauvaise éducation, puis la cupidité et l’ambition, puis tous les vices et tous les crimes, puis tous les désordres et le chaos, puis toutes les calamités et toutes les catastrophes. » Ainsi, quatre principes de base structurent la vie des citoyens vivre, travailler, donner selon ses forces, recevoir selon ses besoins. Comme tout le monde ne peut être médecin, pour que les uns veuillent être cordonniers, il faut que les cordonniers soient aussi heureux et contents que les médecins. ». Etienne Cabet, penseur politique français et classé par Karl Marx parmi les socialistes utopiques auxquels il oppose son socialisme scientifique, verra – alors qu’il purge une peine de prison – une petite communauté de colons se créer autour de ses idées. En 1847, 150 personnes votent l’ Acte de constitution d’Icarie » et l’élisent comme président. Installés sur les rives de la Red River au Texas, mais rapidement découragés par le climat, les maladies qui l’accompagnent et les querelles entre eux, ils l’aboliront au bout d’une année. En 1949, Cabet sort de prison et décide de reformer le mouvement, un nouvel Acte est voté et la communauté s’installe dans l’Illinois. Il y meurt en 1856. Six ans plus tard, les colons prononcent à nouveau sa dissolution, ruinés par les conséquences de la guerre de Sécession. Puis une nouvelle communauté dans l’Iowa, dissoute, puis en Californie aux abords de la Russian River où ils n’atteindront jamais l’autosuffisance, révoquée en 1886. Notamment inspiré par les thèses de l’humaniste hollandais Hugo Grotius et de celles de Jean-Jacques Rousseau pour qui L’argent qu’on possède est l’instrument de la liberté, celui qu’on pourchasse est celui de la servitude », Thomas Pain est considéré, surtout pour les libéraux, comme le premier penseur du revenu universel. En 1625, dans Le Droit de la paix et de la guerre – aussi à l’origine de notre droit international – Hugo Grotius lui-même inspiré d’Aristote, centre sa réflexion sur ce qu’il nomme la Loi naturelle. Celle-ci agirait sur notre conscience en nous faisant veiller à notre préservation physique, morale et sociale. Les hommes seraient alors enclins à recevoir une justice réparatrice des violations de ce droit naturel. Sur cette même idée, le concept de revenu universel » est réellement apparu au 18e siècle entre les lignes de Thomas Paine, philosophe britannique engagé dans la révolution américaine et auteur, en 1797, de La Justice agraire. La réforme agricole subie par les paysans anglais avec le mouvement des enclosures entrepris des siècles plus tôt en vertu duquel l’autre Thomas rêva d’Utopia, et le début de l’industrialisation ayant conduit à l’appauvrissement de la population menèrent se pamphlétaire à rédiger le fameux manifeste. Selon lui, chacun devrait recevoir, à sa majorité, une dotation de 15 Livres. Puis, à 50 ans, une allocation annuelle de 10 Livres pour pouvoir finir tranquillement sa vie. Cet argent serait issu d’un fonds commun, prélevé sur l’héritage de la propriété et distribué par l’État. Pour Paine, ces allocations compenseraient l’appropriation par certains du bien commun qu’est la terre. La civilisation ayant rendu des hommes plus riches et d’autres plus pauvres que ce qu’ils ne l’auraient été dans leur état primitif », soit avant l’appropriation, par les plus forts, du sol. Il distingue deux types de propriété, une naturelle qui appartient à tous et qui nous a généreusement été donnée par Dieu, et une artificielle ou acquise, inventée par l’homme. La dernière ne peut être partagée de façon égale, car, selon l’auteur, il faudrait que chacun y contribue de la même manière. Elle n’est pas négative, mais au contraire source d’amélioration et de richesse ». La première, en revanche, est un droit – le même développé par Grotius 150 ans plus tôt. Mais, cette propriété a, de fait, ôté les droits naturels des autres individus qui à leur état primaire en auraient eu l’usufruit. C’est ainsi que tout possesseur de la terre a une dette envers la collectivité. Voilà aussi pourquoi chaque individu doit pouvoir sans condition, qu’il soit riche ou pauvre, jouir de cette compensation. Il s’agit donc d’une question de justice et non de charité, pour qu’ aucun individu né dans un état civilisé ne puisse se trouver dans une situation pire que celle où il serait s’il fut né avant l’établissement de cette civilisation ». Favorable à cette idée, le gouvernement anglais finira par mettre en place au début du 19e siècle le Speenhamland Act ou Loi sur les pauvres », une de ces fameuses et nombreuses Poor Laws inspirées par Thomas More au 16e siècle. Jusqu’en 1834 un revenu minimum – indexé sur le prix du blé et sur la taille de la famille à prendre en charge – était accordé en sus du salaire versé si celui-ci ne suffisait pas assurer l’existence du travailleur. Loin d’un revenu universel stricto sensu, Thomas Paine a néanmoins posé une première pierre à l’édifice. Autre utopiste, Charles Fourier, philosophe français du début du 19e est à l’origine de l’étonnant Phalanstère, et par là même, d’une idée d’allocation universelle. Il classe les individus en 810 catégories correspondant à autant de passions. Une Phalange l’ensemble des phalanges ne composant pas un doigt, mais bien le Phalanstère, la société idéale est composée d’hommes et de femmes de chaque catégorie, 1620 personnes en tout, qui oeuvrent en fonction de leurs affinités et désirs, et allant au cours d’une même journée d’un groupe à l’autre. Il estime en effet que, dans la société préindustrielle qu’il connaît, l’attirance naturelle des humains pour l’activité et la vertu est totalement entravée et pervertie par le travail. Ainsi, chacun est rémunéré par un revenu minimum annuel garanti duquel sont ôtés les services dont il a bénéficié au sein de la phalange. S’y ajoute une rétribution individuelle dont le montant dépend de la classe dans laquelle l’œuvre réalisée se situe nécessité, utilité ou agrément. Après sa mort – car bien qu’ayant tenté il n’y arriva point – certains essayèrent de réaliser des phalanstères expérimentaux, mais aucun n’y parvint… les querelles internes en ayant toujours eu raison. L’idée d’un revenu universel et son orientation sociale et post-travailliste peuvent ainsi se retrouver au coeur du socialisme du XIXe siècle et des mouvements ouvriers qui – face à l’industrialisation – cherchent à libérer l’individu de l’aliénation du travail. Problématique encore très ancrée dans l’actualité, l’industrialisation et aujourd’hui la robotisation de l’économie permettait alors de produire bien plus, en moins de temps et avec moins d’hommes. Ce que Wassily Léontief résumait ainsi Quand la création de richesses ne dépendra plus du travail des hommes, ceux-ci mourront de faim aux portes du Paradis à moins de répondre par une nouvelle politique du revenu à la nouvelle situation technique. » C’est ainsi qu’en bénéficiant d’une ressource minimum sans condition, les citoyens pourraient, potentiellement, gagner en autonomie et en pouvoir de négociation face à leurs employeurs. C’est alors – et bien sûr – avec Karl Marx que l’on peut lire aujourd’hui les revendications d’une certaine frange des défenseurs du revenu universel. Quand il imagine une société délestée du salariat, Marx entend que La distribution des moyens de paiement devra correspondre au volume de richesses socialement produites et non au volume du travail fourni. » Dans Le Droit à la paresse, paru en 1880, Paul Lafargue – son gendre – s’inscrit lui aussi dans cette pensée. Il y démystifie le travail et son statut de valeur et prône avec ferveur la diminution du temps de labeur… à trois heures par jour. Pour qu’il parvienne à la conscience de sa force, il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse ; il faut qu’il retourne à ses instincts naturels, qu’il proclame les Droits de la Paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques Droits de l’Homme concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. » C’est plus tard, en 1932, dans son Eloge de l’Oisiveté que Bertrand Russel s’entendra – en tout cas sur ce point – avec Marx et son gendre. Pour lui, la valeur travail est un préjugé moral des classes dominantes pour qui l’absence d’activité conduirait à la déchéance morale et à la dépravation. Aussi, il estime que la productivité industrielle est suffisante pour répondre aux besoins de tous les hommes – même au superflu – avec une quantité minimum de travail. Selon lui, quatre heures de corvée par individu seraient ainsi suffisantes pour que le reste du temps puisse être dévolu à l’oisiveté. Un certain petit revenu suffisant pour les nécessités doit être assuré pour tous, qu’ils travaillent ou non, et un revenu plus élevé doit être accordé à ceux qui sont prêts à s’engager dans un travail que la communauté reconnaît comme utile. Sur cette base, nous pouvons construire plus loin. » Une variante de cette filiation communiste » fut plus récemment incarnée par le philosophe André Gorz, l’un des inspirateurs de l’écologie politique. Il considère que le plein emploi ne reviendra jamais et que les sociétés doivent transformer leurs fondements pour s’adapter au nouveau marché du travail. Une position faisant écho aux revendications de mai 1968. Il écrivait en 1990 La rationalisation économique libère du temps, elle continuera d’en libérer, et il n’est plus possible, par conséquent, de faire dépendre le revenu des citoyens de la quantité de travail dont l’économie a besoin. Il n’est plus possible, non plus, de continuer à faire du travail rémunéré la source principale de l’identité et du sens de la vie pour chacun. » Mais à la même époque, les libéraux revendiquaient un genre de revenu universel en totale opposition l’impôt négatif. Théorisé dans les années 40 par l’Anglaise Juliet Rhys-Williams, le concept fut popularisé par Milton Friedman qui lui a consacré en 1962 un chapitre de son ouvrage Capitalisme Et liberté. Pour le financer, il propose une simplification extrême du système fiscal, avec la fin de l’impôt sur le revenu au profit d’un impôt universel dont la somme serait fixe et commune à chacun, afin d’éviter les effets de seuil. Il s’agirait ainsi d’éviter les effets pervers des allocations sociales qui nourriraient selon lui des mentalités d’assistanat. Mécanisme neutre, l’impôt négatif ne perturberait pas non plus le marché. Considéré comme l’un des économistes les plus influents du 20e siècle, Friedman ne sera pas parvenu à mettre en place l’impôt négatif. Pourtant, Reagan, Thatcher ou encore Pinochet s’inspireront grandement de ses idées sur la privatisation, la déréglementation ou encore la fiscalité. Aujourd’hui, de nombreux auteurs continuent à suivre sa pensée, c’est le cas notamment de Gaspard Koeing, à la tête du Think Tank libéral Génération libre » qui défend avec Marc de Basquiat l’idée d’un revenu suffisant pour tous, sous forme d’impôt négatif le Liber. De leur côté, en 1985 les économistes français Henri Guitton et Yoland Bresson ont fondé l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence l’AIRE. Un an plus tard, Yoland Bresson s’associera notamment avec Philippe Van Parijs pour fonder le Basic Income European puis Earth Network, le BIEN, devenu le principal réseau mondial de chercheurs sur le sujet. Ce mouvement intellectuel a pour partie inspiré en France la création du RMI puis du RSA et, enfin, de l’actuelle prime pour l’emploi. Aujourd’hui, les militants du Mouvement français pour un revenu de base MFRB créé en mars 2013, prônent l’extension progressive du RSA à toute la population, en commençant par son versement automatique à ceux qui en remplissent les conditions d’obtention. L’histoire ne saurait s’arrêter là. De nombreuses expérimentations d’inspirations souvent libérales commencent à voir le jour et le débat politique en est encore à ses débuts. Mais cette petite rétrospective nous aura permis de déterminer les fondements philosophiques et idéologiques au combien différents d’une idée qui a bien du mal à se cacher derrière une seule et simple définition, celle d’un revenu universel ». Si nous pouvions le résumer, nous dirions que pour les libéraux et libertariens, la défense du revenu universel est historiquement liée à l’idée d’une propriété commune des ressources naturelles et au rééquilibrage par un revenu pour tous. Chez les socialistes et post-travaillistes, l’idée trouve ses fondements sous deux principes la réduction de l’exploitation des travailleurs en augmentant leur pouvoir de négociation et la possibilité de réduire le temps de travail pour qu’il ne soit plus ni au centre de la vie ni le seul moyen d’y survivre. Là où chacun s’accorde, c’est qu’il faudra concilier liberté et solidarité, responsabilité individuelle et justice sociale, car un individu ne devrait pas subir les circonstances qui l’ont vue naître, mais être responsable de ses choix. À lire ou à relire – Thomas More, L’Utopie, 1516– Etienne Cabet, Voyage En Icarie, 1840– Hugo Grotius, Le Droit de la guere et de la paix, 1625– Thomas Paine, La Justice agraire, 1797– Paul Lafargue, Le Droit à la paresse, 1880– Bertrand Russel, Eloge De l’oisiveté, 1932– Milton Friedman, Capitalisme et Liberté, 1962 Secrétaire de rédaction de Metis, journaliste et rédactrice web, je suis passée par le marketing et les relations internationales. Articles associés LA LETTRE DE METIS Recevez deux fois par mois les nouveautés de Metis dans votre boîte mail. je m’inscris
BertrandArthur William Russell, 3 e comte Russell, né le 18 mai 1872 à Trellech (Monmouthshire, pays de Galles), et mort le 2 février 1970 près de Penrhyndeudraeth, au pays de Galles, est un mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique. Russell est considéré comme l'un des philosophes les plus
Publié le mardi 26 mai 2020 à 13h34 En 1932, une crise, comme celle que nous pourrions connaître, menace l'économie mondiale. Alors que la question de l'allongement du temps de travail et de la réduction des jours de congés revient au cœur des débats, redécouvrons un texte du philosophe Bertrand Russell, dans lequel il faisait l'éloge de l'oisiveté. Petit-fils de Premier ministre, Bertrand Russell, philosophe et mathématicien gallois issu d'une des plus grandes familles britanniques Whig, publiait, en 1932, dans la revue, Review of Reviews, un article au ton sardonique et au titre provocateur, In Praise of Idleness, traduit par Éloge de l'Oisiveté. Deux ans plus tard, ce même texte imprimé dans un recueil d’essais, commence ainsi Ainsi que la plupart des gens de ma génération, j'ai été élevé selon le principe que l'oisiveté est mère de tous les vices. Comme j'étais un enfant pétri de vertu, je croyais tout ce qu'on me disait, et je me suis ainsi doté d'une conscience qui m'a contraint à peiner au travail toute ma vie. Cependant, si mes actions ont toujours été soumises à ma conscience, mes idées, en revanche, ont subi une révolution. En effet, j'en suis venu à penser que l'on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu'il importe à présent de faire valoir dans les pays industrialisés un point de vue qui diffère radicalement des préceptes traditionnels. Bertrand Russell défend l'idée que, pour accéder à davantage de bonheur, voire même éviter de mettre en péril l'économie, il faut procéder à une baisse du temps de travail journalier, écorchant au passage toute la valeur "vertueuse" du travail Pour parler sérieusement, ce que je veux dire, c'est que le fait de croire que le TRAVAIL en lettres majuscules dans le texte est une vertu est la cause de grand maux dans le monde moderne, et que la voie du bonheur et de la prospérité passe par une diminution méthodique du travail. Pour Bertrand Russell, cette valorisation du travail est un phénomène historique et culturel. Il explique que la diminution du temps travaillé est non seulement souhaitable mais rendue possible grâce aux progrès techniques. Catégorisant d'une façon un peu simpliste le travail en deux types d'activité, il dénonce au passage l'organisation hiérarchique mise en place dans notre société Il existe deux types de travail le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se trouvant à la surface de la Terre, ou dans le sol même ; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé. Le second type est agréable et très bien payé. Le second type de travail peut s'étendre de façon illimitée il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres à donner. Le philosophe, égalementmathématicien et logicien, peut être considéré comme un rationaliste dénonçant alors l'injuste répartition du travail qui s'est répétée notamment après la Première Guerre mondiale La guerre a démontré de façon concluante que l'organisation scientifique de la production permet de subvenir aux besoins des populations modernes en n'exploitant qu'une part minime de la capacité de travail du monde actuel… Si, à la fin de la guerre, cette organisation… avait été préservée, et si on avait pu réduire à quatre le nombre d'heures de travail, tout aurait été pour le mieux. Au lieu de quoi, on en est revenu au vieux système chaotique où ceux dont le travail était en demande devaient faire de longues journées tandis qu'on abandonnait le reste au chômage et à la faim. L'oisiveté comme loisir studieux n'est pas un vilain défaut Bertrand Russell prêche pour une évidente répartition du travail, libérant ainsi du temps de loisir. Loisir dont les classes supérieures, privilège des prêtres et des guerriers au Moyen Âge, peut faire craindre qu'il incite ses bénéficiaires à une oisiveté dangereuse et corruptrice. Une notion qui, comme le rappelle le philosophe, a toujours choqué les riches. Se souvenant de son enfance, Russell est né en 1872, à une époque où les travailleurs des villes commençaient à acquérir des jours fériés, il se rappelle la réflexion d'une vieille duchesse Qu'est ce que les pauvres vont faire avec des congés ? C'est travailler qu'il leur faut. Si la signification des mots oisiveté et loisir semble se confondre dans le texte et porte à confusion, leur notion respective en appelle à deux activités bien différentes. Par loisir, leisure en anglais, il ne s’agit pas d'un vif encouragement à la paresse, à l’inaction ou au divertissement. En fait, il serait plus adéquat d'employer le terme latin otium, une conception ancienne qui s'apparente à une forme de loisir studieux. Cette oisiveté est celle louée par le philosophe romain de l'école stoïcienne, Sénèque. Dans un essai écrit en 62 apr. au même titre que celui de Russel, le philosophe proclame …isolés, nous serons meilleurs. Dira-t-on qu'il est permis de se retirer auprès des hommes les plus vertueux, et de choisir un modèle, sur lequel on règle sa vie ? Cela ne se fait qu'au sein du repos. Dans son analyse et ses réflexions, Bertrand Russell procède à une différenciation marquée entre les pôles que sont l'Orient et l'Occident dans leurs rapports et leurs problématiques respectives au travail ainsi que de sa valeur. Il fait grand cas de l'URSS également, comparant la situation du prolétariat en Russie avec celle des femmes En général, ils les riches en Russie ont essayé de faire croire aux travailleurs manuels que toute activité qui consiste à déplacer de la matière revêt une certaine forme de noblesse, tout comme les hommes ont tenté de faire croire aux femmes que leur esclavage sexuel conférait une espèce de grandeur. Après un diagnostic, le philosophe opère dans son analyse, une nette différenciation d'appréhension entre production et consommation. La première monopolise davantage les attentions que la seconde et ainsi, l'homme, tout absorbé à produire, oublie de juger et surtout d'évaluer les avantages et le plaisir que procure cette tâche au consommateur. Ce divorce, explique Russell, entre les fins individuelles et les fins sociales de la production, empêche les gens de penser clairement. La journée de quatre heuresQuand je suggère qu'il faudrait réduire à quatre le nombre d'heures de travail, je ne veux pas laisser entendre qu'il faille dissiper en pure frivolité tout le temps qu'il reste. Je veux dire qu'en travaillant quatre heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu'il devrait pouvoir disposer de son temps comme bon lui semble. Ainsi réduit le temps passé au travail, le philosophe estime que l’homme, grâce à l’éducation, pourrait être un "oisif " dont il fait un éloge tempéré car ces privilégiés, dans des temps plus anciens, pouvaient aussi se montrer tyranniques Autrefois, il existait une classe oisive assez restreinte et une classe laborieuse plus considérable. La classe oisive bénéficiait d’avantages qui ne trouvaient aucun fondement dans la justice sociale, ce qui la rendait nécessairement despotique, limitait sa compassion, et l’amenait à inventer des théories qui pussent justifier ses privilèges. Ces caractéristiques flétrissaient quelque peu ses lauriers, mais, malgré ce handicap, c’est à elle que nous devons la quasi totalité de ce que nous appelons la civilisation. Elle a cultivé les arts et découvert les sciences ; elle a écrit les livres, inventé les philosophies et affiné les rapports sociaux. Même la libération des opprimés a généralement reçu son impulsion d’en haut. Sans la classe oisive, l’humanité ne serait jamais sortie de la barbarie. Le philosophe conclut son texte en panégyrique de ce temps d'oisiveté, temps de loisir mis à profit intelligemment, "humainement" tout en constatant la triste obstination de la marche du monde Il y aura assez de travail à accomplir pour rendre le loisir délicieux, mais pas assez pour conduire à l’épuisement… Les hommes et les femmes ordinaires, ayant la possibilité de vivre une vie heureuse, deviendront plus enclins à la bienveillance qu’à la persécution et à la suspicion. Le goût pour la guerre disparaîtra, en partie pour la raison susdite, mais aussi parce que celle-ci exigera de tous un travail long et acharné. La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l’aisance et de la sécurité, non d’une vie de galérien. Les méthodes de production, modernes, nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment. Que cet Éloge de l'Oisiveté soit porteur d'un message résolument pacifiste n'est pas anodin d'une part, il correspond aux convictions de son auteur et d'autre part, à cette période de l’entre-deux guerres, en plein milieu de la Grande Dépression, le chômage augmente fortement aux États-Unis, puis en Europe, suite au krach boursier du fameux jeudi noir. Libre penseur et activisteHomme politique engagé, pacifiste convaincu lors de la Première Guerre mondiale, Bertrand Russell, alors socialiste modéré, opte pour une non intervention relative pendant la Seconde Guerre mondiale. Outre ses activités politiques, il fut un grand mathématicien et un enseignant de premier ordre dans de nombreuses et prestigieuses universités. Son œuvre est immense car multidisciplinaire et comprend également des romans et des nouvelles. En 1950, Bertrand Russell reçut le Prix Nobel de littérature, en particulier pour son engagement humaniste et également comme libre-penseur. Pour anecdote, en septembre 1961, à l'âge de 89 ans, Russell se retrouva emprisonné pendant sept jours à la prison de Brixton pour "violation de la paix". Le philosophe quinquagénaire fût arrêté après avoir pris part à une manifestation anti-nucléaire à Londres. Le magistrat jugeant l’affaire, offrait à Russell l'exonération de sa peine de prison à condition qu'il promette devant la cour d'adopter une "bonne conduite", ce à quoi Bertrand Russell répondit "Non, je ne veux pas." Le 2 février 1970, Bertrand Russell mourut de la grippe près de Penrhyndeudraeth, au Pays de Galles. Biographie philosophique sélective Éloge de l’Oisiveté, Bertrand Russell, aux éditions Allia. L'Alphabet du bon Citoyen & Abrégé de l'Histoire du Monde, Bertrand Russell, aux éditions Allia. Essais sceptiques, Bertrand Russell, Belles Lettres, 2011 Le célèbre texte qui valut à Russell son prix Nobel en 1950. Histoire de la Philosophie occidentale. En relation avec les événements politiques et sociaux de l'Antiquité jusqu'à nos jours, Bertrand Russell, aux éditions des Belles Lettres, 2011. Pour aller plus loin et autrement avec Bertrand RussellLa Petite Philo par Thibaut de Saint-Maurice Pourquoi avons-nous des préjugés ? Vous trouvez cet article intéressant ? Faites-le savoir et partagez-le. Dansce texte Russel ne fait pas vraiment l'éloge de l'oisiveté, mais il dit qu'il ne faut pas valoriser le travail à outrance. Travailler plus ce n'est pas une idée qui vient de soi, mais c'est un concept ancien qu'on a inculqué aux peuples. Les méthodes de production modernes ont rendu possibles le confort et la sécurité pour tous ; à la place, nous avons choisi le surmenage pour les uns et la famine pour les autres. Jusqu’à présent nous avons continué à déployer la même activité qu’au temps où il n’y avait pas de machines ; en cela nous nous sommes montrés stupides, mais rien ne nous oblige à persévérer éternellement dans cette stupidité. Bertrand Russell, Eloge de l’oisiveté, 1932 1 NDT Syndrome d’épuisement professionnel. 1Quatre-vingt ans et une crise économique mondiale plus tard, notre intelligence n’a manifestement guère progressé, au contraire si depuis lors la productivité du travail dans l’industrie et l’agriculture s’est vue grosso modo décuplée, on ne peut pas dire qu’elle ait apporté à tous confort et sécurité. L’Europe, qui certes, pour le moment, s’est sort encore relativement bien, assiste à une hausse record de son taux de chômage. Quant aux quelques îlots qui demeurent compétitifs au plan global, ils luttent depuis des années déjà contre les nouvelles pandémies provoquées par la contraction progressive de l’offre de travail du burn-out-syndrom1 à la mort subite due au surmenage en passant par la consommation routinière de produits psychopharmaceutiques. 2Gardons-nous cependant d’imaginer que cette ardeur excessive au travail constatée par Russell ne serait rien d’autre qu’une habitude devenue obsolète et qu’il nous suffirait de laisser tomber – une habitude héritée du temps où il n’y avait pas de machines. Au Moyen Age, où le travail comme fin en soi était chose inconnue, on travaillait en fait moins qu’aujourd’hui. La raison en est simple le travail tel que nous l’entendons, c’est-à-dire la dépense abstraite d’énergie humaine indépendamment de tout contenu particulier, est historiquement spécifique. On ne le rencontre que sous le capitalisme. Dans n’importe quelle autre formation sociale, l’idée aujourd’hui si universellement répandue selon laquelle un travail, quel qu’il soit, vaut mieux que pas de travail » aurait paru, à juste titre, complètement délirante. 3Ce délire est le principe abstrait qui régit les rapports sociaux sous le capitalisme. Si l’on fait abstraction des activités criminelles, le travail – qu’il s’agisse du nôtre ou de l’appropriation de celui d’autrui – est pour nous l’unique moyen de participer à la société. Mais, en même temps, il ne dépend pas du contenu de l’activité en question ; que je fasse pousser des pommes de terre ou que je fabrique des bombes à fragmentation n’a aucune importance, du moment que mon produit trouve un acheteur et transforme ainsi mon argent en davantage d’argent. Base de la valorisation de la valeur, le travail constitue une fin en soi et un principe social contraignant dont l’unique but consiste à accumuler toujours plus de travail mort » sous forme de capital. 2 On trouvera cette citation et presque toutes les suivantes sur le très intéressant site internet ww ... 4Une contrainte à laquelle tout est soumis dans la même mesure ne se maintiendra durablement qu’à condition que ceux qu’elle ligote apprennent à aimer leurs chaînes. En cela aussi la société bourgeoise se distingue des précédentes. D’Aristote à Thomas d’Aquin en passant par Augustin, les philosophes de l’Antiquité et du Moyen Age ont célébré l’oisiveté – et surtout pas le travail – comme la voie menant à une vie heureuse2 Au dire de la plupart des hommes, le bonheur ne va pas sans le plaisir. Aristote 384 – 322 av. Ethique à Nicomaque L’apprentissage de la vertu est incompatible avec une vie d’artisan et de manœuvre. Aristote, Politique Quittons ces vaines et creuses occupations abandonnons tout le reste pour la recherche de la vérité. Augustin 354 – 430 ap. Les Confessions Absolument et de soi la vie contemplative est plus parfaite que la vie active. Thomas d’Aquin 1125 – 1274, Somme théologique 5D’autres ne seront pas du même avis, tels par exemple les fondateurs de certains ordres monastiques qui verront dans le travail un moyen d’atteindre l’ascèse et l’abstinence. Mais c’est seulement au protestantisme qu’il reviendra d’en faire un principe à grande échelle, appliqué à l’ensemble de la population L’oisiveté est péché contre le commandement de Dieu, car Il a ordonné qu’ici-bas chacun travaille. Martin Luther 1483 – 1546 6Et les Lumières n’auront de cesse d’élever l'ethos du travail, autrement dit l’obligation morale de travailler, au rang de fin en soi Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler. Kant, Réflexions sur l’éducation, 1803 La plus grande perfection morale possible de l’homme est de remplir son devoir et par devoir. Kant, Principes métaphysiques de la morale, 1797 Il n’existe qu’une seule échappatoire au travail faire travailler les autres pour soi. Kant, Critique du jugement, 1790 De ces trois vices la paresse, la lâcheté, la fausseté, le premier semble être le plus méprisable. Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, 1798 Que l’on s’informe tout particulièrement sur les personnes qui se distinguent par une conduite indigne ! On découvrira invariablement soit qu’elles n’ont pas appris à travailler, soient qu’elles fuient le travail. Fichte, Discours à la nation allemande, 1807 7Comme il apparaît déjà dans les dernières citations, l’amour du travail s’avère étroitement lié à la haine des oisifs Chacun doit pouvoir vivre de son travail, dit un principe avancé. Ce pouvoir-vivre est donc conditionné par le travail et n’existe nullement là où la condition ne serait pas remplie. Fichte, Fondement du droit naturel, 1796 Dans les pays chauds, l’homme est mûr plus tôt à tous égards mais n’atteint pas la perfection des zones tempérées. L’humanité dans sa plus grande perfection se trouve dans la race blanche. Les Indiens jaunes n’ont que peu de capacités, les Noirs leur sont bien inférieurs encore, et au plus bas de l’échelle se placent certaines peuplades américaines. Kant, Géographie physique, 1802 Le barbare est paresseux et se distingue de l’homme civilisé en ceci qu’il reste plongé dans son abrutissement, car la formation pratique consiste précisément dans l’habitude et dans le besoin d’agir. Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1820 8Ces propos excluants et racistes sous la plume des philosophes des Lumières ne sont nullement de simples accidents de parcours mais relèvent au contraire de l’essence même de l’idéologie du travail. Parce que ce courant de pensée transfigure le travail en véritable but de l’existence de l’homme », tous les désœuvrés se voient par contrecoup exclus de la race humaine » l’homme est tenu de travailler ; partant, celui qui ne travaille pas ne peut prétendre au statut d’être humain à part entière. 3 NDT Allusion à la vision nazie mais qui est aussi celle d’une partie de la gauche opposant un bo ... 9Ce qui s’exprime ici, c’est la colère du bourreau de travail blanc envers la pression qu’il s’est lui-même imposée, une colère qui prend pour cible tout ce qui fait mine de ne pas se soumettre à ladite pression et de mener une existence oisive les femmes, en charge de la vraie vie » au sein de la sphère privée – dissociée du travail – de la famille bourgeoise ; toutes sortes de peuples les attributions sont, cette fois, plus variées vivant, sans travailler, d’amour et d’eau fraîche ; ou encore le capital accapareur3 », qui s’approprie sans travailler la survaleur créée par d’autres. Les idéologies modernes du sexisme, du racisme, de l’antitsiganisme et de l’antisémitisme sont fondées, elles aussi, sur l'ethos du travail. 4 NDT Le championnat fédéral allemand. 5 NDT Le championnat européen. 10À partir des années 1970, en faisant disparaître du procès de production des quantités toujours croissantes de travail, le potentiel de rationalisation de la microélectronique a plongé le capitalisme dans la crise. Pour autant, la pression intérieure et extérieure qui pousse les hommes à travailler n’a pas diminué mais s’est même au contraire accentuée à mesure que se raréfiaient les emplois ». Pour les laissés pour compte, les conditions se sont durcies ils sont désormais trop nombreux pour que leur entretien humain reste longtemps encore compatible avec le maintien de la compétitivité au plan global. La nécessité incontournable de ramener les hommes au travail » Angela Merkel ne fait qu’obscurcir la perception du problème la responsabilité du chômage ne serait plus imputable à la disparition progressive du travail mais aux chômeurs eux-mêmes, qu’il faudrait par conséquent ramener, par tous les moyens de coercition dont on dispose, à un travail qui n’existe plus. Quelque chose de semblable se déroule également au niveau européen on impose aux pays en faillite » restés à la traîne de l’Europe des politiques d’austérité grâce auxquelles ils sont censés, une fois cette pénible épreuve traversée, redevenir compétitifs. C’est aussi crédible que si la Fédération allemande de football prétendait, par un entraînement approprié, hisser tous à la fois les dix-huit clubs de la Bundesliga4 aux quatre places possibles en Ligue des champions5. 11Il n’y a manifestement d’issue que dans l’abolition du travail, mais cela implique bien sûr d’abolir également le capitalisme. S’y oppose en outre notre ethos du travail, fruit de plusieurs siècles de dressage D’aucuns diront qu’il est certes agréable d’avoir un peu de loisir, mais que les gens ne sauraient pas comment remplir leurs journées s’ils n’avaient à travailler que quatre heures par jour. Dans la mesure où cela est vrai dans le monde moderne, cela constitue un reproche adressé à notre civilisation ; à toute autre époque antérieure, ce n’aurait pas été le cas. Bertrand Russell, Eloge de l’oisiveté, 1932 12Le sort que Hegel assignait aux barbares » nous revient donc celui qui est sans emploi n’a plus qu’à rester plongé dans son abrutissement ». Autrement dit si le sujet bourgeois répugne tellement à imaginer sa vie sans le travail, c’est aussi parce que derrière son ethos du travail rôde la peur panique de sa propre vacuité.
LEloge de l'oisiveté • Ce livre est publié pour la première fois en 1932. Son ambition est de lutter contre une idée dangereuse qui consiste à valoriser le travail: « on travaille beaucoup trop de par le monde ». Alors qu'on pense généralement que « l'oisiveté est mère de tous les vices », Russell va inverser ce constat, en montrant les dégâts causés par l'idéologie du

Est-ce que nous faisons assez de place à l’oisiveté dans nos vies? Photo Spencer Selover via Pexels Dans son magnifique essai de 1932 intitulé Éloge de l’oisiveté », le philosophe Bertrand Russell a écrit En effet, j’en suis venu à penser que l’on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense […] ». Ces mots pourraient nous inspirer une solution à la crise climatique. Russell préconisait une diminution graduelle du travail rémunéré à quatre heures par jour une façon selon lui de favoriser le plein emploi, de faire plus de place aux loisirs créatifs et de contribuer au bien commun. Dans un monde où personne n’est contraint de travailler plus de quatre heures par jour, tous ceux qu’anime la curiosité scientifique pourront lui donner libre cours, et tous les peintres pourront peindre sans pour autant vivre dans la misère », a-t-il écrit. Dans les années 1930, Russell, on le comprend, ne parlait pas de protection environnementale, même s’il faisait allusion à la capacité de l’être humain à transformer la planète. Mais, pourquoi ne pas pousser sa pensée plus loin et voir dans l’oisiveté une solution climatique ? Sa théorie porte sur le travail rémunéré. Mais elle pourrait également constituer un appel à une diminution de l’activité générale, une invitation à rester tranquille. Tout ce que nous faisons requiert de l’énergie. Faire quelque chose, c’est polluer. C’est participer au réchauffement. C’est, en fait, contribuer à l’urgence climatique. Lorsque mes enfants étaient petits, nous avions un pédiatre perspicace qui abordait les maladies bénignes en ces termes Eh bien, nous pouvons essayer un médicament ou nous pouvons ne rien faire ». Il m’a appris que d’attendre avant d’agir peut, dans certains cas, s’avérer un choix judicieux. Alors, quand devrions-nous pratiquer l’oisiveté ? Le problème ne réside pas tant dans les déplacements alimentés par les combustibles fossiles que dans les déplacements en général. Le problème n’est pas seulement que nous bougeons, mais que nous bougeons trop. Prenons le transport. Les environnementalistes nous incitent à abandonner les véhicules à essence au profit de modèles électriques. Ces derniers sont parfaits et font certainement partie de la solution à l’urgence climatique, mais nous devons peut-être en faire plus. Le problème ne réside pas tant dans les déplacements alimentés par les combustibles fossiles que dans les déplacements en général. Le problème n’est pas seulement que nous bougeons, mais que nous bougeons trop. En effet, même les véhicules électriques contribuent à la crise environnementale. Outre les conséquences écologiques liées à leur fabrication, ils peuvent favoriser d’autres activités néfastes pour le climat, comme prendre sa Tesla pour se rendre chez le boucher ou à l’aéroport. La solution optimale n’est pas de se déplacer en voiture électrique, mais de s’interroger sur la nécessité de nos déplacements. La meilleure chose à faire est peut-être d’en faire moins. Dans cette même veine, nous pourrions envisager de dormir davantage. Lorsque nous dormons, nous utilisons moins d’appareils électriques et d’éclairage, moins d’eau chaude, de chauffage et de climatisation. Le temps passé sous les couvertures n’est pas passé derrière le volant. À l’échelle du Canada, si nous dormions une heure, voire une demi-heure, de plus par nuit, nous réduirions considérablement notre consommation de combustibles, sans compter les bienfaits qu’en retireraient les personnes en manque de sommeil. Et si nous encouragions les gens à faire une sieste durant la journée ? L’idée vous semble peut-être farfelue, mais les situations critiques requièrent des mesures novatrices. Et si nous encouragions les gens à faire une sieste durant la journée ? L’idée vous semble peut-être farfelue, mais les situations critiques requièrent des mesures novatrices. Les écoles et entreprises pourraient installer des lits pliants, et demander à tous d’éteindre les lumières et appareils et de s’étendre durant 30 minutes. Nous pourrions appeler cette pause le siesta-club ». Il est clair que certains n’y participeraient pas, mais ceux qui le feraient trouveraient sûrement cela très revigorant. Des villes comme Tokyo, Londres et New York ont maintenant des bars à sieste » et des cafés à sieste ». À Toronto, l’entreprise Nap It Up loue des lits pour des siestes de 25, 55 ou 85 minutes. Tout comme les ours sont peu menaçants durant leur hibernation, les humains réduisent leur potentiel destructeur lorsqu’ils dorment. Inactifs, nous sommes moins nuisibles. Et dites-vous que Bouddha n’a atteint le nirvana que lorsqu’il a choisi de cesser toute activité. Il s’est simplement assis sous un vieux figuier des pagodes ! Il ne s’agit pas de pratiquer une oisiveté générale, mais plutôt une oisiveté sélective. En matière d’activisme climatique, par exemple, il faudrait en faire plus, pas moins. Nous devons mobiliser davantage de personnes et étendre notre influence. Cela dit, là encore, l’inaction a sa place. Les environnementalistes sont souvent invités dans le cadre de leur travail à parcourir de longues distances pour se rendre à des conférences. Ils devraient se sentir légitimés de refuser ces invitations. Si une rencontre n’est pas essentielle, une notion qui n’est pas toujours facile à définir, ils devraient envisager la possibilité de rester chez eux. La maladie impose l’oisiveté. Elle exige une période d’alitement et de repos non négociable, question de se rétablir. La situation climatique exige de la société une telle oisiveté. Nous devons écouter notre milieu malade ; nous devons écouter notre planète en crise. Nous devons, à tout le moins, ralentir. AGISSEZ CHEZ VOUS Traduction Monique Joly et Michel Lopez

Achetezet téléchargez ebook Eloge de l'oisiveté (Petite Collection): Boutique Kindle - Essais : Cela inclut l'utilisation de cookies internes et tiers qui stockent ou accèdent aux informations standard de l'appareil tel qu'un identifiant unique. Les tiers utilisent des cookies dans le but d'afficher et de mesurer des publicités personnalisées, générer des
Page 1Vous devez être connecté ou demander l'accès au forum pour répondre à ce message. Auteurs Messages Jim Membre Messages 2522 Posté à 09h15 le 14 Aug 21 ... d'un galopin nommé Bertrand Russell Vous devez être connecté ou demander l'accès au forum pour répondre à ce 1 LEloge de l'oisiveté est une pépite dénichée dans l'oeuvre immense et protéiforme de Bertrand Russel. Dans la grande tradition des essayistes anglais (Swift, Stevenson), il manie le paradoxe pour s'attaquer aux fondements mêmes de la civilisation moderne. Derrière l'humour et l'apparente légèreté du propos se cache une réflexion de natu
C’est un essai qu’on regarde d’abord du coin de l’œil, sourire aux lèvres. Son titre et son sous-titre en jaune fluo semblent plus provocateurs que dignes de la page psy du lundi. Voyez plutôt Ne rien faire, une méthode approximative & contradictoire pour devenir paresseux sans se donner trop de mal Ed. Kero, 2019. Et puis, à lire cette fine fugue du journaliste Thomas Baumgartner, on est frappé par sa pertinence et sa profondeur. Pas seulement parce que Sénèque, André Filliou, Paul Lafargue ou Stevenson sont conviés en renfort de cette thèse du moindre effort. Surtout, parce qu’il s’en dégage une sérénité, une détermination à viser le moins d’encombrements pour le plus de liberté et de fantaisie. Et puis, la flemme a ses héros, Snoopy, Gaston Lagaffe, The Big Lebowski… Des modèles qui nous rappellent qu’être humain, ce n’est pas se tuer à la tâche, mais apprécier la richesse infime et infinie du quotidien. La paresse s’apprivoise, l’oisiveté a son mode d’emploi. Suivez le guide!Ni dormir, ni mourirAvant tout, l’auteur, qui a brillé à France Culture avant de diriger pendant deux ans Radio Nova, présente ce que ne rien faire» n’est pas. Ce n’est ni dormir, ni mourir. Car il faut être éveillé et vivant pour mener ce combat du rien, ce sublime dénuement qui permet l’éclosion d’une nouvelle dimension. Ce n’est pas le silence, non plus, car le silence renverrait le sujet à ses acouphènes – oui, le futur oisif a beaucoup fait la fête par le passé. Mais ce peut être une musique sans début, ni fin, une musique expérimentale, car si l’on écoute de la pop, on chante le refrain et, du coup, on ne fait pas rien. Cela dit, comme Thomas Baumgartner cultive la contradiction, il autorise Jacques Higelin, chantre du moment présent et de la chute dans l’inconnu. Tombé du ciel…Alors, ne rien faire, c’est quoi? C’est, impérativement, rester chez soi. Pour deux raisons. Déjà parce que sortir expose à une interaction sociale et dans interaction, il y a action». Ensuite, parce que nos appartements recèlent des trésors totalement sous-estimés. En restant chez soi, parfaitement inactif, mais les yeux ouverts, on revisite son propre foyer, on en redécouvre les charmes autrefois négligés par un rapport fonctionnel et pressé au aussi Osez vous reposer!Mieux habiter l’espace privé, c’est aussi s’habiter soi-même. Redécouvrir son corps sans qu’il soit souffrant ou blessé. Lorsqu’on travaille, on ne remarque le corps que quand il défaille. De fait, dans les bureaux, dit l’auteur, les corps souffrent beaucoup. La position assise perturbe votre digestion, affaisse votre sangle abdominale, prépare les phlébites.» Quant à l’écran, il vous accapare. Sachez que des yeux qui ne s’exercent qu’à quelques centimètres développent une myopie. Il faut voir court et loin dans la même journée, plusieurs fois, pour maintenir souple le cristallin.» Enfin, le corps souffre aussi de s’habiller serré, rigide, haut perché, etc. A la maison, le corps dit sa joie en robe légère ou en pyjama. Découvrez notre grand-format Une semaine sans smartphone? Des lecteurs du Temps tentent l’expérience Vous vous ennuyez déjà? C’est un risque, mais c’est un ennui fertile qui, une fois apprivoisé, débouche sur une richesse inouïe. Ne désire rien, ne décide rien, ne choisis rien», enseignait l’artiste Robert Filliou à qui voulait atteindre la création permanente». Dans l’inaction, la moindre sensation, le plus petit détail visuel ou sonore prennent une immense importance, le sujet se transforme en plaque sensible».Et, bon à savoir aussi, le mode par défaut permet de construire notre mémoire. Quand on ne fait rien, le cerveau fait le point», complète le journaliste qui, pour libérer l’espace mental, conseille de planter son smartphone dans les plantes près de l’entrée. Le sage Sénèque recommande l’oisiveté otius qui seule permet un recul méditatif à la fois positif et salvateur». Et puis, ironise l’auteur, il n’y a pas que les oisifs qui s’ennuient. Déjà bien documenté, le phénomène du bore-out ou ennui au travail est plus courant et toxique que l’ennui domestique. Egalement disponible S’ennuyer au travail? Un enfer qui tue Mais assez de tentatives de légitimation! Le flemmard est politique et appelle à la rébellion, se réjouit Thomas Baumgartner avant de citer ses auteurs phares. Je suis affamé de liberté et me saoule à la paresse», clame Clément Pansaers dans son Apologie de la paresse, en 1921. Avant lui, dans Le Droit à la paresse, de 1883, Paul Lafargue fustige les ouvriers qui se rendent complices des bourgeois» en tentant de rivaliser de zèle avec la machine alors qu’ils pourraient simplement se reposer sur avant, dans son Apologie des oisifs, de 1877, Stevenson, l’écrivain aventurier, prône l’école buissonnière et l’année sabbatique pour que les jeunes découvrent un savoir non normé. Enfin, le philosophe britannique Bertrand Russell écrit un Eloge de l’oisiveté, en 1932, qui postule un monde où l’on ne travaillerait pas plus de quatre heures par jour». Alors, le bonheur et la joie prendront la place de la fatigue nerveuse, les hommes et les femmes deviendront plus enclins à la bienveillance et le goût de la guerre disparaîtra».Gaston le magnifiqueCe ne sont pas les pacifiques Gaston Lagaffe ou Snoopy, oisifs canoniques, qui contrediront ces propos. Le premier fait palpiter le cœur de Mademoiselle Jeanne avec ses trouvailles aussi ingénieuses qu’inutiles. Le second est le poète parfait, chien de chasse qui ne chasse jamais, préférant vivre dans un univers imaginaire où il se voit astronaute, pilote d’élite ou chevalier. Lire enfin Une sieste par jour, le meilleur médicament L’auteur cite encore Antoine Doinel, personnage fétiche de François Truffaut, qui passe ses journées à peindre des fleurs dans la cour d’un immeuble. Ou The Big Lebowski, des frères Coen, inactif flamboyant, imperméable aux angoisses communes», comme la trace que chacun a le souci de laisser. C’est que, avait prévenu le journaliste dans son intro, ne rien faire suppose de dompter son ego et d’oublier l’idée même de postérité au profit d’un présent jouissif, car désaliéné…Oui, mais alors, comment marchera le monde, si tout le monde troque l’activité contre le désœuvrement? Comment fera-t-on pour manger, se loger, se déplacer, etc.? En dandy dégagé, Thomas Baumgartner ne résout pas cette impossible équation. Il défend uniquement l’idée du revenu universel, rente de base distribuée à chacun sans distinction. Son rayon à lui, c’est le temps retrouvé, la rêverie éveillée, la liberté de dire un peu non. Et c’est un rayon que, sans culpabilité aucune, nous gagnerons tous à explorer. Pour compléter sur The Big Lebowski The Dude, la naissance du cool
8tCJA.
  • jgy46w4vr6.pages.dev/286
  • jgy46w4vr6.pages.dev/61
  • jgy46w4vr6.pages.dev/110
  • jgy46w4vr6.pages.dev/346
  • jgy46w4vr6.pages.dev/98
  • jgy46w4vr6.pages.dev/140
  • jgy46w4vr6.pages.dev/163
  • jgy46w4vr6.pages.dev/177
  • jgy46w4vr6.pages.dev/351
  • bertrand russell eloge de l oisivetĂ© pdf